“Il ne faut pas chercher à “déclencher” le mécanisme par des moyens infaillibles mais “se faire comprendre et laisser faire””. Général Decarpentry.
Il y a une phrase de Gustave Lebon que j’aime bien, c’est ” La grande difficulté en équitation n’est pas d’apprendre à se servir des rênes mais plutôt d’apprendre à s’en passer ou tout au moins à très peu s’en servir”.
Le cheval doit comprendre A PIED et EN LIBERTE que son confort passe par une position de l’encolure basse, il sera alors en mesure de se muscler (ou se re-muscler) dans le bon sens. Il ne pourra se cadencer et trouver son équilibre que seul, sans une charge sur le dos. Ensuite, monté, seule l’action du buste qui se redresse pourra lui indiquer que nous souhaitons que lui-même se redresse. Nous pouvons ainsi avoir cette attitude avec des rênes de plus en plus longues.
Mais c’est un travail long et peu encourageant pour le cavalier qui mettra au moins 1 an (à raison d’une visite quotidienne minimale) avant d’établir une relation suffisante pour régler les allures en liberté avant d’obtenir un semblant de ramené monté.
Une autre citation qui rend bien l’impression que j’ai de cette notion d’appui et de tension vient de Jean Saint Fort Paillard:
“La tension est simplement la manifestation physique de l’impulsion et rien d’autre.
On ne pousse pas un cheval en avant pour qu’il prenne appui sur son mors, on ne “pousse pas un cheval sur la main”; ces expressions pour traditionnelles qu’elles soient ont assez fait preuve de leur nocivité et elles devraient être rayées à jamais du langage équestre”.
Oui, je sais, j’y vais fort, mais je le pense et la mise en application par moi certes, mais surtout par d’autres plus qualifiés que moi prouve que ce n’est pas complètement absurde.
La légèreté que nous recherchons tous ne passe-t-elle pas par le fait que le cheval se soutienne seul, qu’il soit en auto-impulsion?
Il faut en effet fournir des indications au cheval. Mais un fois l’indication fournie, (si elle a été claire, une fois suffit), le reste du mouvement peut se faire en complète descente de jambes et de mains.
Toute action doit être discontinue car toute action DOIT engendrer une modification, sinon il y a habituation et le cheval ne se soutient plus seul.
En parlant de l’assiette. Oui, un mouvement du buste vers l’arrière va entraîner une accélération. Mais nous ne voulons pas une accélération constante, nous voulons une vitesse constante après une accélération, n’est-ce pas? Pour cela, toute action générant une accélération doit cesser après l’obtention. Il faut donc s’efforcer de monter aussi en descente d’assiette.
Je pense pour ma part qu’il est bien difficile d’apprendre à un cavalier à être “silencieux” en permanence pour ne garder ses indications que lorsqu’elles sont nécessaires. En observant les débats télévisés (reflet de notre société humaine), nous nous apercevons de la difficulté des gens non seulement à écouter les autres, mais surtout à ne pas prendre la parole.
Faites un exercice amusant entre amis: essayez de leur demander de se taire pendant 5 minutes entières (pas un bruit, pas une indication ni corporelle, ni du regard), vous aurez beaucoup de mal à l’obtenir. L’humain est un communiquant et est très mal à l’aise dans le silence. Or, c’est cela que l’on demande au cavalier. Un silence des aides. Il faut faire un gros travail sur soi. Et c’est bien dommage, le cheval comprend mieux le silence que les multiples bruits parasites.
Que nous dit le Général L’Hotte?
“L’art équestre, c’est la mise en jeu par le cavalier de l’emploi que fait le cheval des seules forces utiles au mouvement envisagé”.
Et le Général Decarpentry?
“Les effets que le cavalier croit provoquer grâce aux mouvements de son corps sont obtenus la plupart du temps malgré ceux-ci”.
Je trouve le cheval naturellement léger, équilibré et beau, tout simplement. Je m’efforce donc de ne faire que lui demander de reproduire ses allures si parfaites, ses piaffés de parade, ses pirouettes de jeu au moment où moi, j’ai envie qu’il les fasse.
L’Equilibre, la beauté, la légèreté, il l’a en lui. Je travaille donc dans ce sens. C’est à dire que je le laisse s’exprimer, en lui demandant simplement d’accepter de me laisser partager sa superbe. Ensuite, seulement, j’associe un code à un mouvement qui me plaît et que je voudrai reproduire plus tard. Ce code est une indication d’une main, d’une jambe, de l’assiette, peu importe du moment qu’il me servira à lui indiquer que c’est à ce mouvement qu’il correspond.
L’intérêt que j’ai trouvé à cette approche est que le mouvement m’a emplie de joie à un moment, cette joie, le cheval l’a ressentie et pour me faire plaisir, il a ENVIE de refaire ce mouvement.
Mes indications ne sont donc pas pour lui faire trouver un équilibre ou une impulsion, mais pour lui indiquer quel est le mouvement qui m’emplira le plus de joie à un instant donné.
La descente de main est certes une liberté sous condition, mais l’envie de “travailler” est primordiale. C’est de là que naît l’Impulsion.
Pour citer (encore !) le Général Decarpentry :
“Il ne faut pas chercher à “déclencher” le mécanisme par des moyens infaillibles mais “se faire comprendre et laisser faire””. Je l’aime bien celle-là.
”…Une des conséquences de la nécessité absolue d’entretenir chez le cheval l’instinct de progression réside dans le soin que le dresseur doit apporter à réduire toujours au plus stricte indispensable en fréquence, en durée et en intensité l’emploi des jambes en dehors de leur rôle impulsif, leur utilisation comme agents de direction ou de disposition du corps s’impose en début de dressage et pendant le cours de celui-ci mais la substitution progressive des effets de rênes aux effets de jambes dans ce but doit être un souci permanent du cavalier…”
C’est donc dans le but de donner un rôle clair à chacune des parties du corps, et d’affiner le conditionnement du cheval aux jambes.
Baucher a écrit:
“La main seule donne la position, les jambes donnent l’impulsion.
Dès que le cheval commencera à prendre la position indiquée par la main, celle-ci devra cesser son action, et laisser sa liberté d’action”.
Je suis évidemment en plein accord avec ces textes. Les jambes servent à l’impulsion, certes et les mains à la direction, certes aussi, mais on peut prendre l’exemple de la voiture :
Si tu as atteint la vitesse que tu t’étais fixée, tu n’accélères plus et si la courbe de la route est faible, tu ne vas pas tourner plus le volant au risque de te retrouver dans le décor…
Après, si tu conduits un camion, tu prendras ton volant à pleines mains et tu forceras. Si tu conduis une ferrari, deux doigts sur le volant te suffiront.
Tout est donc une question de dosage.
Je persiste à penser que la tension des rênes n’est pas obligatoire pour transmettre les indications.
“La qualité de la tension du cheval ne se juge en aucune façon au degré de tension des rênes…La tension des rênes n’en est pas même un signe obligatoire.” (Jean Saint Fort Paillard).